illu marianne_NEW
Les épisodes

Marianne et moi …

illu marianne_NEWJ’ai longtemps hésité à faire un article sur Charlie et sa bande tout simplement parce que je ne fais pas d’article moa ! Je fais des épisodes.

Et puis j’ai bien des idées sur la question, mais Business Wo’mum ne fait pas de politique. Quand je parle de politique, je ne parle pas de la politique, pratique du pouvoir, je parle de la politique au sens noble du terme, celle de la civilité de notre société organisée, celle de l’action, de l’équilibre et du collectif.

Mais même parler politique dans ses plus beaux termes amène en ces temps où chacun a des idées, non pas à échanger mais à polémiquer.

Et puis, beaucoup d’encre a déjà coulé, une encre couleur de sang, une encre couleur de larmes.

Et puis, j’ai eu mal.

Ce mercredi midi là, je courrais entre l’école, la crèche et la boulangerie. Une fois toutes mes besognes du midi faites, j’ai commencé à écouter plus attentivement la radio. Pourquoi une édition spéciale ? Pourquoi ce n’était pas le format de mon émission habituelle avec Wendy Bouchard ? Pourquoi la voix de Wendy était si grave, si tremblante. Pourquoi, même dans ma voiture, il y régnait une atmosphère pesante, presque étouffante. Mais merde pourquoi y a-t-il autant d’experts qui emploient des mots tels que « terroriste », « tuerie », « 11 septembre », « Cabu », « Charlie Hebdo ». Quelqu’un peut-il m’expliquer bordel ?
Le jour du 11 septembre, mon frère habitait aux Etats-Unis. Quelques semaines après, je devais y être. Je travaillais dans une boîte américaine. Mercredi dernier, tout s’est embrumé de la même manière. Les cadeaux pourris semblent loin, la magie du vieux bonhomme rouge nous a lâché, Les « Bonne année « et « Meilleures vœux » semblent tellement désuets, à la limite du ridicule. Hors sujet.

Alors je suis restée une heure dans ma voiture, devant la boulangerie sans y entrer. Il me manquait mes jambes. J’ai fait l’impasse sur le déj’, essayant de tout écouter, de bien saisir l’importance de cette voix radiophonique si grave. Elle n’était pas pompeuse cette voix, ni empreinte d’une fausse empathie. Non, elle n’avait rien à voir avec un quelconque jeu d’acteur. Elle était authentique, pleine d’une sincérité qui fait mal et qui annonce que ça va faire mal. Alors j’ai commencé à avoir mal.

Et puis, sortant de ma voiture, j’ai pressé le pas pour mettre les infos en direct. Je voulais comprendre. Je suis retournée devant mon écran d’ordinateur, KO. Les collègues revenaient de déjeuner, souriants, ignorants de tout. Ce passage de l’état de légèreté à la gravité en 1 seconde, commence toujours pas un moment de doute. « Tu déconnes ? ». « Bein non je déconne pas. Wendy déconnait pas. Personne ne déconne plus ».
Je devais avoir le même ton grave que Wendy parce que chacun a effacé son sourire repu d’après déjeuner.

Certains ont repris tout de même leur travail. J’ai fait semblant pendant 3 jours. J’ai fait semblant de regarder les soldes sur la toile mais aucune commande. Pas parce que je me l’interdisais par esprit du deuil, non, par manque de réalité. Les soldes, ce n’était plus la même réalité de coton que celle dans lequel je vivais.

Ma messagerie Facebook a tinté. C’était la Frida. Celle qui est belle comme un soleil … bon c’est une amie quoi ! Elle vivait le même KO, le même chaos aussi. Ca m’a rassuré. On a vécu les événements par messageries interposées en live. Je disais « ca va chier », elle disait « tu crois ? ». Elle disait « putain j’ai peur ». Je disais rien. J’avais peur aussi. Chacune apportait sa dernière info à grand coup de « putain ». Ca nous rassurait je crois.

Grande Mycose a commencé à envoyer des SMS. Beaucoup de SMS. Plein de SMS. A la mesure de sa peur, de son incompréhension et de cette découverte d’un monde non aseptisé. Une grande mycose, jusque là, naïve et protégée coute que coute, mais que l’on ne pouvait protéger plus longtemps. Alors on a ouvert les portes de la réalité pour que l’ignorance n’engendre pas d’amalgame et de peurs incomprises.

Et le jeudi, moyenne mycose a dit qu’il voulait aller avec tout le monde. Ca voulait dire qu’il avait compris le pouvoir du collectif et qu’il fallait surpasser sa peur. Puis il a dit « Je prendrai un crayon ». Et là, j’ai pleuré. Je n’en étais pas à quelques larmes près. Ca m’a ému qu’il ait compris. A lui aussi, nous avons ouvert la porte de la réalité mais pas en grand. On est pas trop con non plus.

Je suis allée le lendemain me regrouper. J’avais juste besoin d’être avec des gens. De retrouver mes esprits mais impossible. Une somme d’individualité qui avait besoin de s’étreindre spirituellement dans un bain d’âmes perdues. La fraternité en somme.

Et puis le dimanche, tout le monde y est allé et mini mycose a dit « Je suis Charlie ». On a tenté de lui expliquer mais à 3 ans, laissons lui juste apprécier l’instant.

Alors ce n’est pas un article sur Charlie Hebdo … c’est bien un épisode, celui que j’étais en train de vivre, sauf que je n’étais plus seule à le vivre. Toute la communauté internationale le vivait.
J’ai l’habitude des épisodes drôles sur ce qui nous arrivent à tous au quotidien. Cet épisode nous est tous arrivé au même moment, on l’a pris en pleine face. Sauf que ce n’était pas drôle.

Alors moi je veux bien que Charlie et sa bande aient voulu qu’on se marre et qu’on aille faire les soldes mais pas tout de suite non. Pas maintenant. Pas comme ça. Parce qu’au plus profond, une grande tristesse fondée sur une réalité inconcevable nous prend au fin fond du coeur. Une tristesse mais aussi une incompréhension qui amène la peur. Pas la peur que tu ressens quand tu évites de justesse un connard de piéton qui veut jouer avec sa vie. Non, la peur d’un mal qu’on ne visualise pas. Peut-être est-ce toi ? Ou toi ? Ce n’est pas moi en tout cas mais lui là ?

Bien sûr qu’on oubliera ceux qui y ont laissé leur peau, après tout, on ne les connaissait pas. Ce ne sont pas des proches. Ils le sont pour quelqu’un qui les pleurera longtemps mais on pleure tous nos morts. Le cancer aussi est un acte terroriste. La famine aussi. Ce n’est juste pas à des fins politiques. Quoi que … la famine peut-être que oui.

Alors je me suis demandée pourquoi j’écrivais ? Pourquoi je me fous la pression pour que les gens aiment ce que j’écris ? Pourquoi je m’exprime ouvertement ?

Je me suis dit « ouaiheuuuu les gens vont dire que tu fais le buzzzzz  » ou « encore un truc polémique » ou « tout le monde est sous le choc et elle, elle parle d’elle » ! Mais j’ai 186 personnes qui me suivent, ouais je sais, j’étais à 188 mais j’en ai perdu 2. Et dans les 186, je dirais que 30 personnes à tout chier lisent mes épisodes jusqu’au bout dont 10 qui sont des potes et 5 de ma famille.

Et puis qu’est ce qu’on risque ? Qu’on me traite de connasse ? Je suis déjà une connasse.

En même temps, pas sûre que le body chemisier ou la cup fassent polémiques. Je suis consciente hein de mon pouvoir d’expression. Mais quand même !

Merde, merde, je parle de moi là. Je récupère l’événement.

Et puis j’étais même pas abonnée à Charlie Hebdo et entre nous, Sœur Emmanuelle qui veut sucer des bites au Paradis hein bon… Et puis si je mets le profil du « je suis charlie », quand sera-t-il décent de revenir à une photo de profil plus personnelle ? Cela voudra-t-il dire qu’on a oublié, qu’on est passé à autre chose ?

Notez que j’utilise la technique du « je lève toutes les oppositions ».

Donc 184 « engagements » comme ils disent sur facebook. à quoi ça sert ?

Ca sert à dire ce que l’on pense, à dédramatiser ou affirmer notre rôle dans la société. Moi j’ai choisi celui de parents parce que ça commence par notre rôle de guide éducatif. Sur ma pancarte, j’aurais pu mettre « je suis Parent ». Ca veut dire la même chose que « je suis Charlie » non ?
Parce que, quand on est parent, tu l’utilises plus que de raisons la libre expression.
Celle qui t’autorise à lui dire  » c’est moi qui commande ». Oui mais du coup, où est sa libre action à lui si c’est toi qui commandes ?
Et ta mycose aussi a sa libre expression. Lorsqu’il dessine et que c’est toujours très moche son dessin. Bah c’est vrai, c’est toujours très moche les dessins de mycose. T’ose même pas dire « oh il est beau ton arbre avec toutes ses branches » parce que si ça se trouve, c’est une pieuvre qui joue de la guitare en slip. Alors tu dis « Oh il est … beau ton … mmmhhh … ton dessin ».

C’est de la merde en fait. Mais il a eu son moment de libre expression. Il a le droit.

J’aurais le droit de dire que c’est de la merde son dessin mais si tu dis ça, petite mycose ne voudra plus jamais dessiner, perdra sa confiance en lui et ira chez le psy. Ou à l’inverse, il recommencera encore et encore, il trouvera son style, il s’appliquera et aimera cette volonté. Et il sera artiste.
C’est quitte ou double mais tu ne joues pas à la roulette avec les petits, tu les protèges jusqu’à ce qu’il soit libre de regarder leur dessin et de penser que c’est vraiment de la daube.

La liberté d’expressions est basée sur un jugement de valeurs, et comme nous n’avons pas tous les mêmes jugements, ni les mêmes valeurs ; putain c’est le bordel ! La liberté d’expression, ce serait pouvoir dire ce que l’on veut mais sans faire mal. Oui mais alors, on serait dans le consensus parce que parfois, t’as envie de lui dire à ton client worldwide que c’est un gros con. Oui mais ça va lui faire mal et surtout, ça fera mal à tes objectifs.

Alors oui, rions encore, oui, soyons plus forts. Il faut vivre pour ce que l’on a à apporter aux autres. Evidemment Ducon mais ils sont morts. Oui ils sont morts mais désormais, on a tous cette Marianne sur les barricades au fond de nous, tatouée dans nos souvenirs. Chacun avec son propre drapeau. Chacun avec sa propre hauteur de barricade. Chacun sa propre pancarte.

Alors que va-t-il se passer après ? Bah tu vas reprendre tes esprits peu à peu. On va tous reprendre nos esprits. Oh bien sur, tu ressentiras ce mal être parfois sans comprendre pourquoi t’es pas trop bien jusqu’à ce que tu te dises « ha oui c’est tout ce bordel qui me fait mal ». Mais tu viens de découvrir que ça fait du bien d’être ensemble et que tu peux aussi partager des trucs graves avec tes mycoses pour leur délivrer ses valeurs qui font la liberté.

Alors BWM termine la rédaction de ce putain d’épisode, rougie, épuisée, en colère mais fière d’avoir découvert la Marianne qu’elle a toujours eu au fond d’elle et qui s’est enfin réveillée. Bon ! A choisir, je préfère ma jupe crayon à la tenue de la Marianne. Quelle idée cette chemise de nuit ! Et puis si j’ai le choix, je préfère éviter de montrer un sein.

On relève la tête mais on ne sort pas ses seins. On ne peut pas tous être gaulées comme les femens.

Je suis une maman et je veux que mes mycoses soient libres.

 

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21 janvier 2015