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Episode 26 : vous reprendrez bien un petit peu de sang

illu Don du sangJe voulais te parler des vacances et de ma séance chez le coiffeur et des copines. On a failli s’éclater sur cet épisode.

Et puis mon père (oui, Business Wo’mum a un père. Wow ça va hein, j’ai été jeune un jour), bon, il a dit « Vous savez qu’on manque de sang ».

En d’autres temps, je me serais retournée vers lui en disant d’un air ridiculement détaché « Et donc ? » parce que tu es persuadé qu’individuellement, tu n’es rien. Tu es persuadé aussi que les autres feront bien le taf à ta place. T’en fais assez comme ça merde ! Tu payes tes impôts, tu participes à la kermesse de l’école, tu emballes quelques cadeaux à Noël pour les enfants, tu donnes une pièce au mec qui joue de l’accordéon dans la rue piétonne où tu vas dépenser 100 fois ce que lui donne, tu fais la princesse en achetant tout le carnet de billets de tombola de la mycose ou en offrant l’affiche de la kermesse parce que tu bosses dans la pub.

Oui … mais on manque de sang. Et parfois, je me dis que si on me lit, je peux peut-être avoir un peu d’influence.

Alors je vais te raconter le jour où j’ai eu besoin de sang. Rhooo ça va, tu vas rire un peu quand même.

Business Wo’mum fait partie de cette partie de la population qui n’a jamais mal, à donf’, rhaaaa une dinguo mais qui pleure volontiers seule dans sa voiture, essuie ses larmes, prend une bonne respiration, relève les épaules et exagère le « Whouuuu ! helllooooo every le monde » en arrivant au taf en faisant des blagues à deux balles pour faire diversion, en oubliant qu’avant de sortir de sa bagnole, elle n’a pas vérifié son mascara.

Avec un seul dogme en tête, le « faut pas s’écouter » entendu un jour dans la bouche d’un vieux coach sur youtube. Ha, c’est quand même aussi de la faute d’une sage-femme qui, un jour, m’a dit que si il y avait bien une chose à retenir c’est que la douleur a toujours une fin. Elle parlait des contractions et seulement de ces putains de contractions et moi, je l’ai pris pour toutes les douleurs.

Alors je ne me suis pas écoutée.

Après une opération de la hernie à cause d’avoir trop porté les mycoses d’après le chirurgien, rendez-vous un mois après l’opération pour les dernières vérifications d’ordre de marche.
Coupable de ne pas être au top et sans vouloir trop le faire chier, tu oses un « Docteur, je suis très fatiguée, j’ai des étourdissements. Je ne me sens pas bien. ». Il te claque « Ha bein oui mais Madame, de mon côté, tout va bien. Allez allez, reposez-vous ! ».

Bref, il m’a prise pour une conne en lorgnant sur le retard qu’il avait déjà pris sur ses rendez-vous à 10h du mat’ en se disant qu’il prendrait quand même son heure de déj’ merde.

3 semaines plus tard, tu te lèves un matin avec des maux de bides atroces. Tu files, pliée en 2, sous la douche. Tu sors de la douche. Tu t’assoies sur ton lit. Putain, t’as mal. Peut-être les intestins. Oui, les nanas ont souvent des problèmes d’intestins, bref, elles frôlent l’occlusion intestinale quasi toutes les semaines.
Tu t’allonges. Chéri te conseille de ne pas aller au taf.
« Impossible ! J’ai brief. »

En s’excusant presque de devoir partir, il te dit « Ca va aller avec les gosses ? ».

En serrant les dents et en faisant bonne figure, tu lui fais signe de se barrer pour pouvoir, à ta guise, te tordre dans tous les sens, juste entourée d’une serviette.
30 minutes après, pris par la montre, tu repenses au « faut pas s’écouter ». Tu te lèves, tu te maquilles, tu habilles les mycoses, toujours pliée. Allez on y va, t’es en train de faire paniquer les gosses avec tes conneries.

Au boulot, toute la journée, ils se sont tous foutus de ma gueule pensant qu’il s’agissait, soit de règles douloureuses, soit d’une gastro en préparation. Ils avaient surement raison sauf que j’avais pas mes règles. D’ailleurs, ça fait pas mal de temps que je les ai pas vu celles là.
J’ai continué jusqu’au samedi où, j’ai, quand même envoyé chéri acheter des lavements anaux. Pas envie d’avoir l’air con à la pharmacie. Je préfère que ce soit lui hein. Ouais je sais, une lady ne parle pas de lavement anal mais si j’ai pensé à ça, c’est que j’étais vraiment au bout du rouleau. C’était la dernière option avant de considérer la potentialité d’un Alien dans le bide.
Après 4 putains de lavement pris et un cul en chou-fleur, j’arrive difficilement jusqu’au dimanche 15h. Je sors de la douche précipitamment. Une seule idée, s’allonger.

Chéri me crie dessus et me dit qu’il faut arrêter les conneries maintenant. Ouais je suis d’accord pour une fois. « Emmène-moi aux urgences. »

NDLA : si un mec te dit ça, pas de panique et appelle juste SOS Médecins. Si une nana te dit ça, après 2 accouchements, magne toi le cul.

Problème : dès que j’essaie d’aller jusque la voiture, je m’évanouie.

Je sens que chéri a peur mais qu’il essaie de ne pas le montrer.

Se rendre à l’évidence : il me faut du pompier musclé.

Au bout de 15 minutes à batailler au téléphone en insultant le mec qui ne veut pas envoyer sa putain d’ambulance, chéri lance dans un dernier cri de désespoir « bordel, elle est en train de mourir ».

Whow whow, peut-être pas quand même. On est pas dans un film.
Il m’a dit « C’est bon, ils arrivent » avec un regard de warrior. J’ai bien senti qu’il n’appréhendait pas le problème comme il le fait d’habitude. Il était sérieux.

E là, contre toute attente, ma seule obsession a été « faut que je fasse mon brushing et que je me maquille. Aide moi ».

Bon, j’ai pas réussi.

Chéri m’a regardé avec son regard que j’aime tant. Un regard assuré, empli de tendresse qui dit simplement « Tout va bien, je suis là ». Ce même regard qu’il a, à chaque fois que je panique.
Sauf que là, je ne panique pas, j’ai juste mal bordel.

Et puis j’ai vu débarquer 8 pompiers. Dans la chambre, en rangers crottés. Hey les mecs là, vous pourriez vous déchausser quand même.

C’est bizarre cette impression que 16 yeux te matent, toi, là, allongée sur ton lit, dans l’intimité de ta chambre. Limite prête à tourner un film de boules ! Sauf que j’avais les cheveux tout moches, la face écrasée par la douleur et un jean que je n’avais pas réussi à fermer à cause de mon bide. Entrouvert avec vue sur une culotte des années 80 dont l’élastique ne tenait plus beaucoup, toujours par souci de confort abdominal, j’étais loin d’être prête pour une séance photos de charme.

« Madame, sur une échelle de 1 à 10, quelle est votre degré de douleur ? »

Là, t’es emmerdée. Si tu dis 10, tu passes pour la fille qui en fait trop et si tu dis 5, t’as l’air ridicule. T’as juste envie de gueuler « Si je puis me permettre je dirais … Diiiiiiiiiix putaiiiin » mais tu balances « 9 » dans un râle sorti de l’exorciste.

Après une tentative échouée de te lever, ils amènent le brancard. Ils sont au moins 6 à te porter. Wow les gars, un seul aurait peut-être suffit non ? C’est vexant merde.

Juste avant d’entrer dans l’ambulance, une voisine dit à chéri « je peux garder les enfants ». Oh putain, les mycoses. J’ai oublié les mycoses. Surtout, rassurer moyenne mycose et ne pas le laisser finir sa phrase avec une voix tremblotante « Maman … ? »
« T’inquiète, je reviens. Big up mec. J’ai juste une gastro ». Je crois qu’il ne m’a pas cru.

En fait, ils ont tous suivi l’ambulance, en trouvant que la sirène et le gyrophare, c’était la grande classe.

Arrivée aux urgences, j’ai grillé tout le monde bien sûr. Je me suis sentie importante.

« Madame, y a-t-il une possibilité que vous soyez enceinte ? »

« Oh grand dieu, NON. IM-PO-SSIBLE ! »

Après la radio, tout le monde a pris son air grave. Tout s’est accéléré d’un coup. Ils ont appelé le chirurgien qui était chez lui., sûrement en train de manger la tarte aux fraises dominicale. Je n’ai pas pensé que j’allais y passer mais j’étais quand même persuadé que j’allais morfler. Et quelle idée ces blouses avec une ouverture béante derrière qui offre une vue de ton cul sans détour aux yeux de tous.

15 minutes après, j’étais sur la table d’opération. J’ai juste eu le temps de dire au chirurgien « Je pars dans 3 jours aux Etats-Unis. OK pour vous ? »

Le chirurgien a sourit en me disant « Si vous étiez monté dans un avion, vous n’auriez jamais pu voir le sol américain ».
« OK mais mercredi, pour l’avion, c’est bon hein ? »

Je me suis réveillée à 3 heure du mat’ en me disant « fais chier, j’aurais du terminer ma valise hier ». Chéri était là, toujours avec ce même regard bienveillant qui dit que tout va bien. Les mycoses étaient rentrées avec l’assurance que maman était un guerrier.

J’en viens au fait. 1,5 litre de sang se baladait dans mon bide. Une des mes trompes a explosée parce qu’une toute petite mycose a cru pouvoir s’installer tranquille, détendue du slip. Sauf que la toute petite mycose n’est jamais arrivée au bon endroit. La mort m’a cherché des noises ce jour là. J’ai fait une grossesse extra-utérine avec hémorragie interne. Ca claque hein !

Si personne n’avait donné son sang, je n’aurais pas vu le sol américain 6 mois plus tard alors même si mon épisode n’est pas très rigolo, tu es en vacances et, sur toutes les plages, tu as un camion où des gens sympas t’attendent avec un sandwich et des madeleines, et où des gens sympas aussi, ont besoin de ton sang.

Et puis écoute toi plus souvent.

Hey ! Tout va bien maintenant, on peut en rigoler hein !

Quand je pense que je me suis fait 4 lavements … à domicile putain ! Je suis une guerrière.

Big up aux pompiers, à ma voisine, à chéri, au chir., aux infirmières et aux donneurs de sang.

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14 août 2015