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Episode 11 – La bourriche d’huîtres

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Bon, tu peux pas dire que t’as pas dormi mais plutôt que tu as mal dormi. Le résultat est le même. T’es claquée.

Au moins quand tu dors pas, tu réfléchis et ça peut même être constructif.

Mais quand tu dors et que tu rêves, y a rien de constructif. Tu crois que c’est constructif toi quand tu rêves que t’as de la moustache ou que tu vas au taf en chaussons. Mais pas des chaussons worldwide hein. Des chaussons qui te foutent la honte.

Donc cette nuit là, tu rêves que c’est le jour de la rentrée. T’es dans la rue, tu tires par la main tes mycoses jusqu’à l’école. Tu te retournes pour leur faire un bisou et là, tu t’aperçois que tu viens de te taper 300 mètres avec une bourriche d’huitres. Une bourriche d’huitres avec une main hein parce que sinon je me serais aperçue avant que c’était pas petite mycose que je tenais. Alors pourquoi des huitres ? Ça ! Grand mystère.

Ni une, ni deux, je vais voir ce que ça signifie sur la toile.

Je cite « l’huitre dans un rêve, symbolise souvent les pulsions sexuelles, l’érotisme et la beauté, c’est également une représentation de la vie intérieure, l’huitre en se refermant retient son trésor caché, la perle.

Rêver d’huitre vous annonce la joie et l’amitié. Rêver d’huitre prédit une fête ou une joyeuse réunion.»

Sans déconner !

Parce que t’as des pulsions sexuelles le jour de la rentrée toi ?

Oh putain … c’est la RENTRÉE.

Rappel du Contexte : 3 mycoses – 3 rentrées. Grande mycose : Terminale nouveau lycée – Moyenne mycose : CM1 – Petite mycose : Petite Section.

Revenons à nos huitres. Si je reprends les différentes significations d’internet, on est tous d’accord pour dire que, les pulsions sexuelles, c’est pas la bonne interprétation. Donc autre signification, ma vie intérieure et mon trésor caché sont ma perle. J’comprend rien mais vu l’état de ma vie intérieure le jour de la rentrée, on considère que c’est pas ça non plus.

Dernière explication : « Rêver d’huitre prédit une fête ou une joyeuse réunion. » … Ha bien oui, pas de doute, c’est ça. La rentrée, un jour de fête, une joyeuse réunion. Il se fout vraiment de ma gueule mon subconscient.

Parce que si la fête, c’est grande et moyenne mycoses en pleine crise d’angoisse jusque minuit la veille de ce foutu jour, si c’est mini mycose qui, à 30 minutes de rentrer à la vraie école, me lâche une crotte digne de ce nom dans le slip, en effet, si c’est tout ça, moi, j’ai fait une grosse teuf avec Dalida hier dans le rayon Produits exotiques chez Félix Potin putain.

Et puis ça fait 30 fois que tu regardes la liste aimantée sur le frigo depuis début juillet.

30 fois que tu te dis « Oh ça va, ch’uis large. Y a encore le temps ». T’as même commandé un tablier chez Vert Baudet en prévision parce que t’as reçu un mail qui te disait que c’était indispensable pour nos petits bouts. Bon ! C’est pas sur la liste mais avec cette action que personne ne te demandait, tu peux considérer que t’es au top.

La 31ème fois que tu passes devant, c’est le matin de la rentrée. « Hein y avait pas marqué deux boites de mouchoirs les 30 premières fois où j’ai étudié cette liste. J’en suis sur. ». Premier coup de stress.

Ha non, deuxième en fait. Parce que le premier, c’est juste après avoir rêvé de ta putain de bourriche d’huitres et où, le réveil sonnant, ton mec a tenté un rapprochement. Sérieux ! Un rapprochement le jour de la rentrée. Les mecs sont des grands malades. Rectif. Les mecs n’ont pas de cerveau.

Donc on dit qu’on est le matin de la rentrée. Échange entre moyenne mycose et Business Wo’mum « J’ai peur de pas savoir pour les horaires. Ok je t’achète une montre. J’ai peur de rentrer tout seul … ok je t’achète un téléphone. J’ai peur que des enfants soient méchants, OK je leur pète la gueule aux mycoses méchantes à grands coups de fongicide. Tu vois, tout va bien alors t’es gentil, t’arrêtes de stresser maman hein. »

Chose incroyable, même avec l’accident de la crotte dans le slip, tout le monde est en avance. T’as hâte d’y aller pour mettre fin à cette torture. Les mycoses sont sur leur 31, toi aussi. Tu t’habilles en business womum pour que la maitresse comprenne tout de suite que tu seras parfois en retard mais c’est pas ta faute. T’as un boulot worldwide vu que t’as mis une veste. On se croirait juste avant un mariage où t’as juste la flippe que les mycoses se salissent et que personne n’ait le temps de les voir bien coiffés et tout propres.

Tu fais ta belle devant l’école « Bonjour toi. Bonjour toi. Ca va ? Et toi ? Top les vacances ? Mon dieu, comment t’es bronzée, t’es belle ma chéwi. On s’voit après. ». Bon en fait tu dis rien parce que tu connais 2 personnes à tout casser. On se rappelle même plus de tous tes efforts à la dernière kermesse. Ya juste un truc qui déconne dans ta tenue, T’as un cheval en peluche qui dépasse de ton sac à main. C’est Pile Poil, le cheval dans Toy Story. Il ne dépasse pas que de la crinière le truc, il a la moitié du corps béant. Tu as bien essayé de le mettre dans le sac à dos M&M ‘s de mini mycose mais avec la meilleure volonté de l’univers, quand ça veut pas, ça veut pas. En même temps, t’as mis tellement de trucs à bouffer dans le sac pour son premier goûter à l’école que c’est pas étonnant. L’idée t’a même traversé l’esprit de lui mettre un sandwich club jambon fromage au cas où.

Tu vois le nom de bébé mycose sur un petit écriteau. Et là, tu sais pas ce qui se passe dans ton corps ! Tu sens que ça monte. T’es pas triste hein, t’es juste émue. Ton mascara ne coulera pas, c’est waterproof. Restons digne merde. Bon en fait, t’attends 2 minutes que ça passe en écarquillant bien les yeux pour que l’air sèche vite la légère humidification de ta cornée. Pendant ce temps, tu fais la conversation à monsieur porte-manteau.

Ca va mieux. Tu te tiens devant la maitresse et là, tu te dis que c’est ton moment ! C’est important la première impression. Tu vas faire la maman qui tient à une certaine éducation. Tu dis à mini mycose bien fort et d’un ton complice « le doudou et la tute c’est à la sieste hein mon titi. » La maitresse répond « Les premiers jours on prend tout ce qu’on a. Laissez lui. ». Voilà, je suis cataloguée comme psycho-rigide.

Non mais ho ! Tu me contredis pas devant mon bébé toi !

Au bout de 5 minutes, tu remontes dans ta bagnole parce que tu sais qu’il n’y a plus rien à faire ici. Tu t’aperçois que t’as toujours Pile Poil dans le sac. Tu repars à l’école. Tu poses le canasson. Tu remontes dans la bagnole.

Aujourd’hui tu n’écoutes pas Europe 1. Non ! Parce qu’aujourd’hui, t’en as rien à battre de ce qui se passe dans le monde. T’as qu’une idée en tête, oublier ! Alors t’écoute Manu sur NRJ. Tu mets la musique à fond pour plus penser sauf que tu sais pas ce qui leur a pris chez NRJ parce que t’as le droit à « Sans drame, sans larme

Pauvres et dérisoires armes, Parce qu’il est des douleurs, qui ne pleurent qu’à l’intérieur. Dans ton exil, essaie d’apprendre à revenir. Mais pas trop tard » de JJG (Jean-Jacques Goldman pour ceux qui ont la chance d’être jeunes).

Sont inconscients ou quoi chez NRJ ! Un jour de rentrée merde !

T’arrives quand même à ton taf Worldwide en espérant que personne ne soit là pour te dire « Alors ? ».

Raté !

Tu réponds « Au top ». Tu vas pas plus loin parce que t’es pas certaine à ce moment là de tes capacités à retenir ton émotivité ou la claque que t’as envie de mettre au premier qui te posera la question. En général, les mères, elles disent « C’est fait ! » d’un air fier. Mais quoi ? Qu’est ce qui est fait ? On recommence juste une année de merde à courir partout. Au début, on sait même plus si il faut s’arrêter à la crèche après l’avoir côtoyée 3 ans, à s’être arrêté 5 jours par semaine, 2 fois par jours soit 10 fois par semaine, 40 fois par mois, 480 fois par an, 1440 fois en 3 ans. Ca cause hein !

Et puis il y a les autres mères qui te racontent la rentrée scolaire de leur mycose. Et bizarrement, t’en as autant à cirer que ce qu’on raconte aujourd’hui sur Europe 1.

Tu restes seule mais tu commences à avoir l’habitude. Grâce à ton body chemisier, tu connais ce sentiment d’isolement, en tout cas, c’est plus simple à gérer sans la gène dans le cul. La solitude devient ta copine.

Tu reprends peu à peu tes esprits.

Ca te pique depuis ce matin dans le dos au niveau de ton skinny mais c’est seulement maintenant que tu t’en rends compte. Comme quoi … j’aurais du mettre mon body chemisier le jour de la rentrée, j’aurais souffert moins longtemps. Bon bein, tu tates avec ta main et là, t’as une putain d’étiquette énorme en plastique dure que t’as pas vu ce matin au niveau de la ceinture. Ca te rentre dans la chair et ça te fait des marques comme des strilles. Ha non merde ça, ce sont des vergetures. T’as quand même un trou dans la bidoche. Tu tires dessus comme une malade. Pas sur la bidoche hein, juste sur l’étiquette. Tu la lis machinalement « Mango Jeans. Skinny regular waist. USA 6 ».

Ca te remonte le moral 5 minutes. C’est toujours ça de pris. T’es contente de savoir qu’aux USA, tu fais du 6. Ca tombe bien tu détestes les chiffres impairs.

En fait, toussa, ça te ramène un peu à ton enfance. Les angoisses de la rentrée. Est-ce qu’on va m’aimer ? Et aujourd’hui, avec tes mycoses, ça se transforme en « Est-ce qu’on va les aimer ? » Oui parce que si on les aime, c’est un peu toi qu’on aime à travers eux. C’est toi qui les a faite ces mycoses. T’es fière et tu veux que le monde entier soit au courant et ça commence par l’école. Tiens d’ailleurs, j’ai retrouvé un journal intime de 1989. Le mien. Il représente un mois de vie d’une ado. Le mois d’août 1989, juste avant la rentrée. Ca fait 25 ans et j’allais pour la première fois à l’internat. Le journal finissait le 31 aout par « Pas envie putain. ». J’ai pas vieilli en fait.

Et puis dans une once de lucidité, tu te dis que l’accès à l’éducation c’est une putain de chance. Tu te dis que y en a marre de ces gens qui se plaignent des instits. Ouais parce que les instits ; ils se tapent quand même des mycoses toute la journée alors que toi, au bout d’un quart d’heure à boire le thé avec monsieur Zèbre et madame Patate, t’as qu’une envie, c’est de te mutiler les pieds avec l’épée de Musclor. Et puis finis de lire des histoires, l’école, ça apprend à lire, et à faire ses lacets. Ca apprend l’indépendance pour qu’enfin, on n’ait plus à se retrouver recroquevillé sur une toute petite chaise en plastique prête à céder sous ton poids de grande godiche, à faire semblant de boire du thè dans une tasse qui a servi à transporter du sable, des vers de terre ou je ne sais pas quoi encore.

Alors j’ai pas mal, non, je suis juste émue.

9 septembre 2014